Germination d’une fête populaire
En 1962, l’imagination fertile de Guy Lux, alliée à la discrétion ingénieuse de Claude Savarit, fit basculer la France rurale dans un rêve de lumière cathodique – et non, la poussière ne retombait plus sur les arènes même quand les gradins se vidaient. C’est dans ce décor qu’Intervilles a pris racine, ne se contentant pas d’être la simple transcription d’une fête locale : c’était désormais un événement national, où le patrimoine audiovisuel s’invitait au banquet des villages. D’ailleurs, certains évoquent la première finale, un Dax-Saint-Amand-les-Eaux resté dans les annales, comme un véritable mythe originel.
Telle une légende que l’on ressasse lors des banquets, l’apparition d’Intervilles avait ce goût de XVIIIᵉ siècle transposé : chaque canton transmué en petite Sparte, capable, une fois l’an, de vaincre ou d’affronter ses voisines sous l’œil tantôt goguenard, tantôt admiratif du pays tout entier.
Le jeu télévisé n’était pas qu’un simple divertissement : il tenait d’une intuition redoutable, voire presque surnaturelle : dévoiler l’esprit d’équipe et la rivalité régionale, orchestrée par des fanfares un brin tonitruantes, dont les cuivres mêlaient les effluves de terroir à la frénésie urbaine. Beauvais, Dax, Gap – certains reconnaissent aujourd’hui avoir attendu le nom de leur ville, au générique, comme la fierté d’un lendemain d’élection. Oubliées les frontières obscures entre la RTF et l’ORTF, puis bientôt FR3 et TF1 ; la télévision, déjà, s’inventait faiseuse de mémoire collective, sculptant le visage d’un été français éternel, et offrant au public ce vaste terrain de partage. Dès lors, les enjeux de diversité régionale et la notion d’inclusion prenaient forme, même si personne ne parlait encore de mixité ou de représentativité descendue jusqu’aux plateaux.
Revivre les premières heures d’Intervilles, c’est revenir dans la mémoire collective : Partagez vos souvenirs ou vos récits personnels sur les débuts du jeu, ou fouillez les archives de l’INA pour dénicher l’inattendu.
L’évolution d’une légende cathodique : ruptures, résurrections, exportations
Des crépuscules et des renaissances en prime time
Oscillant entre l’effacement brutal – de celles et ceux qui tirent le rideau parfois sans préavis – et la flamboyance d’un retour inattendu, Intervilles n’a eu de cesse d’épouser la respiration de son époque. On l’a vu voguer de la RTF à TF1, s’octroyant au passage quelques escales notables sur France 3, France 2, avant d’atterrir sur Gulli ; chaque chaîne, une couleur de plateau, un rythme de public agglutiné dans l’arène. La production, pilier discret (Mistral Production hier, Banijay Productions ou France Télévisions aujourd’hui), a accompagné la métamorphose. Les coupures n’ont jamais été totalement définitives – une édition 2013 a fait comme une réminiscence, un peu comme une vieille chanson qui vous revient lors d’une fête de village.
Brutale, la nostalgie peut-elle se mesurer à l’aune d’un plateau devenu sédentaire, lorsque l’ancienne poussière des arènes du Sud-Ouest laisse place à la froideur lissée des LED ? Mais la France n’est jamais seule dans ses égarements : la Hongrie, la Chine, d’autres sœurs européennes ou d’Asie bruissent d’un écho lointain du mythe, quitte à voir surgir – éphémère hommage ou pâle récupération ? – des versions de poche ou des tribulations numériques en pixels. L’exportation du format, d’ailleurs, fait sourire : en Hongrie ou en Chine, la compétition s’ouvre sur fond d’acrobaties dont le “ventriglisse” n’a rien à envier à nos savon noir.
Certaines éditions n’ont vécu qu’un soir ou deux ; d’autres sont devenues support de jeux vidéo, de collections de Pogs, ou d’albums CD – la mode, c’est aussi d’offrir aux gadgets l’aura d’un héritage culte. À noter : la “remontada” de l’audience en 2025 marque une remontée que bien des vieilles franchises envieraient (audience, selon Médiamétrie, leader sur sa case pour la première).
Exportations internationales en Hongrie, Chine et au-delà, souvent accompagnées d’adaptations locales déroutantes
Déclinaisons multiples : jeux vidéo, jeux de société, énigmatiques Pogs, et même DJette animant en plateau
Arrêts successifs (2009, retour minime en 2013, puis relance 2025 sur France 2)
Versions modernisées sur Gulli ; la nostalgie se mêle à la remise en cause constante
Débat sur le direct : INA a gardé des archives mythiques, mais la magie est-elle la même sans le trac du live ?
Plongez dans les secrets des saisons disparues, des finales cultes Dax–Saint-Amand ou Beauvais–Coulanges-lès-Nevers, partagez anecdotes d’archives, ou cette chanson étrange restée dans vos souvenirs.
L’arène des épreuves : entre tradition burlesque et modernité survoltée
Des torrents de savon aux murs des champions, panthéon loufoque de la compétition
Des torrents de savon noir dévalant sur des épidermes tantôt audacieux, tantôt hésitants, des tournette tournoyant jusqu’au vertige ; la sueur, la maladresse, la grandeur burlesque d’un échec sans conséquence et, çà et là, le rugissement sardonique d’une vachette s’intercalant entre deux chutes fabuleuses – à moins que ce ne soit, pour les nostalgiques, la “coursaucisse party” faisant d’une ville entière un théâtre d’humour collectif. C’est le panthéon loufoque d’Intervilles : mur des champions, au sommet duquel s’accrochaient les petits héros d’une France provinciale, fameuse tournette en opposition à la gravité, et cette épreuve du savon noir, joyeux prélude aux accidents.
On en oublie, parfois, que le “ventriglisse” est devenu presque identitaire, un passage obligé pour briller (ou pour finir en zapping dès le lendemain). Il arrivait qu’à Beauvais ou à Mont-de-Marsan, la mousse déborde jusqu’aux loges techniques, histoire de faire rire même l’équipe de production tout entière.
En 2025, le bal des LED s’empare de la nuit ; Topa, mascotte endiablée inspirée (en coulisses, on mentionne même Zep et Titeuf comme muses involontaires), remplace la vachette dont le sort fit débat jusque sur les réseaux. Le décor, moins poussiéreux, la folie égale à elle-même. La dimension participative du public prend de l’ampleur : DJette, pom-pom girls et costumes sans complexe, dans une arène où la diversité des équipes est devenue le signe distinctif d’une modernité revendiquée.
La scénographie change : l’inclusion, la parité, l’absurde même, deviennent le code génétique de ce théâtre éphémère où Bourgoin-Jallieu, Coulanges-lès-Nevers ou Gap s’autorisent tous les excès. Après tout, le dialogue intergénérationnel, palpable dans chaque défi, témoigne que le relais se transmet – tant à “remporter le mur des champions” qu’à réussir, pour une soirée, la plus belle “remontada”.
Tournette et savon noir : accidents joyeux, dignes d’un best-of
Mur des champions : épreuve mythique repensée pour coller à l’air du temps
Vachette disparue, Topa la remplace – créature fantasque mais bien décidée à fédérer
Rituels absurdes, pom-pom girls, défis pour tous, “coursaucisse party” en bonus
Partagez la vidéo de votre épreuve fétiche, lancez un défi, ou citez une expression entendue lors d’une “remontada” mythique ! 🎬
Notre avis
La tentation d’écarter la poussière du passé, au nom d’une modernisation perpétuelle, convoque en moi davantage la perplexité d’un promeneur que l’enthousiasme d’un pionnier. D’autant que, pour certains fans, remplacer la vachette tient presque du sacrilège – et la controverse a rebondi jusqu’à la tribune Médiamétrie après la première… J’éprouve un mélange d’admiration et de scepticisme devant l’épineuse question : fallait-il, délibérément, tourner la page des vachettes ? Ce folklore populaire, devenu patrimoine dans la mémoire télévisuelle française, valait-il qu’on le troque contre une mascotte – aussi sympathique soit-elle ? On n’efface pas si facilement les clameurs des arènes du Sud-Ouest.
La société se jauge à l’aune de ses débats, et Intervilles, oscillant entre le pastiche et l’innovation sociale, mérite d’être ce baromètre fantasque : mais bien des téléspectateurs regrettent parfois la polyphonie, l’agitation imprévisible où tout pouvait basculer en direct. Après tout, la télévision gagnerait peut-être à assumer la coexistence du patrimoine et de la refonte : rien ne garantit que l’absence fasse le mythe ; pas plus que la somme des gadgets ne fait la fête. Mais l’été, sur l’écran, n’a de raison que ce miroir infidèle où chacun cherche, en vain, sa propre légende.
Figures tutélaires et voix de l’arène : ceux qui donnent chair au mythe
L’art du verbe, la science de l’arbitrage, la parade des animateurs
Intervilles, c’est d’abord une galerie dont chaque maître de cérémonie, chaque arbitre, chaque ambassadrice, cultive une saveur propre : des accents rauques de Guy Lux – à qui l’on doit l’intégration de Simone Garnier ou Roger Couderc –, à la majesté sourcilleuse de Léon Zitrone, en passant par la faconde espiègle de Nagui, le panache de Julian Lepers ou l’entrain volontaire de Bruno Guillon. Il arrive, lors des séquences cultes, qu’on retrouve autour du même plateau : Patrice Laffont, Tex, Jean-Pierre Foucault, Vanessa Dolmen, Juliette Arnaud, Philippe Corti, Joan Faggianelli, Francis Veber… L’art du casting, clairement, ce n’est pas donné à tout le monde.
La mémoire nationale se forge aussi sur ces personnalités plus grandes que leur rôle : Robert Wurtz, arbitre iconique, réconciliant parfois la science du sifflet et le show télévisuel. À ses côtés, Valérie Bègue, Camille Cerf, la modernité qui joue des codes ; Magali Ripoll façon DJette, ou encore Yoann Riou, qui met le feu à la tribune. N’oublions pas la touche invisible de Gérard Pullicino à la réalisation, ou la complicité sonore de Dorian Lux avec Ofenbach (coup de jeune sur le générique 2025). L’aura se perpétue : d’une édition à l’autre, Delphine Anaïs, Big Ali, Cécile de Ménibus ou Philippe Candeloro sont venus insuffler une singularité à l’arène.
Guy Lux, Simone Garnier, Roger Couderc, Julien Courbet, Olivier Chiabodo, Nelson Monfort, Nathalie Simon – la filiation dégénère parfois en piste de cirque, mais chaque époque charrie sa voix. L’émission ne se contente pas de narrer : elle incarne, par ses animateurs, la dramaturgie même de la France – lévitant entre l’anaphore solennelle et l’éclat de bravoure goguenarde. Certaines voix finissent d’ailleurs par coller à l’ADN du programme, un peu comme ces chansons inaltérables que même TF1 ou France 3 peinent à oublier.
Votez pour votre animateur ou arbitre emblématique (Robert Wurtz ou un autre) et décrivez comment il a marqué la “remontada” de votre ville ! 🎤
Du folklore aux polémiques : Intervilles, miroir de la société française
Des vachettes aux réseaux sociaux, Intervilles sous les feux croisés de la passion publique
Est-ce plus téméraire de chasser la bête que de la dompter ? La vachette landaise, jadis totem irrévérencieux du folklore populaire, a laissé vacant le centre du ring. Place désormais, pour cause de conscience animale (sujet médiatisé autant par les réseaux sociaux que les plateaux, et défendu jusque chez les producteurs), à Topa, créature positive censée incarner l’inclusion éthique. La culture de la fête populaire se repense à coups d’emojis, là où la mousse s’avérait jadis ce liant un peu archaïque.
Le débat, bien sûr, claque sous les voûtes numériques : sur X (ex-Twitter), sur Facebook, on s’emporte sur la pertinence d’un générique (Shanana, Ofenbach/Dorian Lux, ou autre), sur la couleur du plateau, sur la moindre suspicion de triche ou sur la saga de l’affaire Chiabodo (souvenir d’un scandale qui a chatouillé même les tabloïds anglais du temps de TF1). C’est peut-être là, désormais, que se niche la compétition : médias sociaux en interaction permanente avec la télé, remplaçant les soirs d’arènes par une caisse de résonance numérique. Impossible, alors, d’ignorer la dimension participative ou les contestations en direct, devenues partie intégrante de l’événement télévisuel.
Tricheries passées, génériques discutés, appels à l’international – la mémoire, l’éthique et la refonte du format s’entrechoquent dans le bain collectif. Le zapping a remplacé les soirées marathon, mais difficile d’imaginer un été sans ce spectacle à la fois idéologique et populaire.
Réagissez à la disparition des vachettes ou partagez votre opinion sur l’inclusion via la mascotte Topa !
Intervilles, mythe en migration : entre réinvention et nostalgie partagée
La fête n’est jamais finie : audiences, héritages et résurrections
Chaque retour d’Intervilles – on le sent dans la stridence des réseaux, dans les souvenirs qui s’entrechoquent sous la barbe blanche du grand-père ou dans le sourire incrédule du petit-fils – agit comme une madeleine trempée dans le soda pop, piégeant dans ses bulles les spectateurs épars de toute une contrée. Ce dialogue intergénérationnel, souvent vanté par les producteurs eux-mêmes, devient tangible le temps d’une finale ou d’un “ventriglisse” réussi.
La France, alors, se rassemble devant son poste : parfois morose, guettant la promesse d’une fête sans lendemain ; parfois pompette de nostalgie. Les nouveaux accords d’Ofenbach, annoncés comme la signature sonore de l’été 2025, résonnent comme le bal d’une époque qui se cherche, mais fouille aussi dans l’album des décennies la trace persistante du vieux cri. On a beau dire, mais les familles continuent à se retrouver devant ce grand écran – personne ne sait vraiment si c’est la compétition, la chanson, ou la promesse d’une “remontada” impossible qui les amène.
Le retour de 2025, ce glaçon moderne – plateau fixe à Beauvais, Topa moulinant ses bras d’énergie synthétique, vachettes condamnées à l’exil, audience bondissant à 3,3 millions de téléspectateurs lors de la première (selon Médiamétrie, leader absolu ce soir-là) – pose la grande question : la fête populaire peut-elle survivre à la modernisation sans perdre l’âme du patrimoine ? Entre temps forts, enjeux d’inclusion et culture numérique omniprésente, Intervilles traverse le miroir.
Vos idées, souvenirs ou projets de “ventriglisse” local sont les bienvenus – racontez comment Intervilles a connecté, un soir, votre écran et votre ville ! ✨