Côte d’Ivoire : Petite mine d’or, une envolée historique… mais à quel prix ?
La Côte d’Ivoire vient-elle de redessiner la carte de son or artisanal ? Entre progrès chiffré et défis persistants, la filière de la petite mine ivoirienne franchit un cap inédit. 730 kg d’or extraits en 2024. Progression : 86,22 % depuis 2022. Une performance ! Un chiffre, sec et lumineux. Mais que cache-t-il, vraiment ?
Une progression qui interroge
Pourquoi un tel bond dans la production ?C’est simple : la délivrance de 456 autorisations EMAPE (Exploitation Minière Artisanale et à Petite Échelle) entre 2022 et 2024, contre 229 entre 2015 et 2021, a ouvert la voie.Pourtant, cette hausse soudaine ne représente que 1,2 % de la production nationale – estimée à 59 tonnes.Au Mali, la petite mine approche les 10,34 % ; au Burkina Faso, 15,17 % ; au Ghana, 35 % du total.L’écart est vertigineux.Éveil ou mirage ?
Moussa Diabaté, exploitant minier à Katiola, confie :« On sent que les choses bougent enfin. Mais, l’accès aux financements reste toujours difficile, et le manque de formation freine notre vrai potentiel. »
Défis majeurs et risques sous-jacents
Comment comprendre une telle marginalisation alors que le potentiel est énorme ? Les dangers persistent.Orpaillage illégal, déforestation, usage de cyanure ou mercure qui polluent rivières et sols…La ruée vers l’or artisanal provoque parfois l’effritement des communautés locales.Brouillard réglementaire.Risque environnemental accablant. Insuffisance de la traçabilité.Des mots lourds : précarité, opacité.
Un secteur à la croisée des chemins
Quelles solutions, alors, pour sortir l’EMAPE de la brume ?Valoriser et formaliser le secteur est vital.« L’État doit pousser la transparence et la structuration autant que l’industrialisation des sites », martèle Laurence Kouadio, ingénieure environnementale à Abidjan.Inclure les communautés dans la gestion, renforcer la traçabilité, et instaurer un suivi environnemental exigeant.Urgence sociale.Il faut donner un nouveau souffle à la petite mine ivoirienne pour qu’elle redevienne un moteur de croissance inclusive.
Faits et pistes d’action
Formalisation accrue : Mettre en place un meilleur système d’enregistrement des exploitants et d’autorisation d’exploitation.
Ateliers participatifs : Multiplier, à l’image de l’atelier national d’avril 2025, ces espaces de dialogue EMAPE/industriels.
Optimisation fiscale : Adapter la fiscalité sur la petite mine pour encourager la déclaration officielle de la production.
Gestion communautaire : Associer les collectivités locales à la surveillance et la répartition des bénéfices.
Encadrement environnemental strict : Interdire l’usage de produits toxiques et promouvoir des pratiques minières durables.
le temps de l’audace
Alors, la Côte d’Ivoire saura-t-elle transformer cette éclosion arithmétique en révolution qualitative ?Les chiffres n’impressionnent que s’ils sont porteurs d’espoir partagé.Il s’agit désormais d’oser la rupture, d’ancrer la petite mine dans le développement durable.« Nos vies dépendent de cette terre que l’on creuse. Il faut qu’enfin elle nous enrichisse tous, sans abîmer ce que nous laisserons à nos enfants… », résume Koffi Tanoé, chef de village à Dimbokro.L’enjeu n’est plus seulement de produire — mais de bâtir, de transmettre, de protéger.
Restez vigilants : la mine artisanale ivoirienne n’a pas encore dit son dernier mot.
